ZERO DE CONDUITE
PAR FRANÇOIS FONTAINE
LES PERSONNAGES
Le père – Le fils (ou la fille)
(Le père est assis en train de lire le journal, lorsque le fils entre dans le salon.)
LE FILS :
— Bonsoir Papa !
LE PÈRE, levant le nez de son journal :
— Bonsoir Michel ! Ça s’
est bien passé à l’école aujourd’
hui ?
LE FILS :
— Oui, Papa. La maîtresse nous a donné nos carnets de correspondance à faire signer. Tu
as le temps de regarder ?
LE PÈRE, posant son journal :
— Oui, bien sûr. Montre vite.
LE FILS, qui sort son carnet de son sac et le tend à son père :
— Tiens. Tu ne vas pas encore regarder que les mauvaises appréciations, j’espère ?
LE PÈRE, avec un sourire bonhomme :
Nous verrons cela, mon garçon. Alors…
(Il lit à haute voix, lentement, et répète chacune des appréciations comme si c’était son
propre avis.)
Géographie : Bien… C’est bien. Orthographe : Excellent… C’est excellent. Calcul : Peut
mieux faire… Tu pourrais faire mieux. Education physique : Bien… C’est bien. Dessin : Très
bien… C’est très bien. Conduite : Déplorable… Comment,
« déplorable » ? C’est inadmissible ! Toi, mon fils, tu oses me présenter un carnet sur
lequel il est écrit : Conduite : DE-PLO-RABLE !
LE FILS, embarrassé :
— Mais Papa…
LE PÈRE, coupant la parole à son fils :
— Ne m’
interromps pas ! C’
est inacceptable !
(Il prend un air exagérément dramatique pour continuer.)
Moi, Jean Beaufort, chauffeur de taxi de mon métier, après dix ans passés à sillonner les
routes et les rues de la capitale sans un seul accident de voiture. Dix ans, tu m’
entends, mon
garçon ? Dix ans de conduite irréprochable…
LE FILS, essayant timidement de s’expliquer :
— Mais Papa, la conduite…
LE PÈRE, interrompant son fils d’
un ton autoritaire :
— Je n’
ai pas fini ! Dix ans de conduite exemplaire ! Dix ans sans brûler un feu rouge ! Dix ans
sans jamais refuser une priorité ! Et j’apprends aujourd’hui que ta conduite est déplorable !
LE FILS, essayant toujours de se faire entendre :
— Mais, Papa, la conduite, ce n’est pas…
LE PÈRE, continuant la phrase de son fils à sa place :
Ce n’
est pas… Ce n’
est pas… Ce n’
est pas compliqué, voilà tout ! Et je vais te le prouver tout
de suite !
(Il saisit deux chaises qu’il dispose côte à côte sur le devant de la scène, face au public, et
s’assied sur l’une d’elles.)
En voiture, mon garçon !
(Il tape sur le dossier de la chaise restée vide pour inviter son fils à s’y asseoir.)
L’heure est venue pour toi de recevoir ta première vraie leçon de conduite !
LE FILS, en s’asseyant :
— Mais Papa…
LE PÈRE, refusant d’
écouter son fils :
— Il n’y a pas de mais ! A partir de maintenant, il y a un volant… (Il fait mine de tenir un
volant entre ses mains.)
… un levier de vitesses…
(Il manoeuvre un levier de vitesses imaginaire.)
… et trois pédales !
(Il tape trois fois par terre avec le pied droit.)
Tu m’as bien compris ? Répète !
LE FILS, essayant encore vainement de dire quelque chose :
— Mais Papa…
LE PÈRE, menaçant :
— Ne discute pas ! Répète !
LE FILS, résigné, qui répète en reproduisant les mimiques de son père pour suggérer le volant, le
levier de vitesses et les trois pédales :
— Oui Papa. Un volant… un levier de vitesses… et trois pédales.
LE PÈRE, satisfait :
— Bon ! On avance…
Maintenant (Il bouge le levier de vitesses.) tu es en première. LE FILS, surpris :
— Mais non, Papa, je suis au CM2…
LE PÈRE, impatient :
— Ne pense plus à l’école ! Je te dis que tu es en première ! L’école primaire c’est fini, tu
m’entends ? Tu es en première.
LE FILS, convaincu d’avoir raison :
— Mais la maîtresse nous a dit qu’après l’école primaire on entrait en sixième, pas en
première…
LE PÈRE, encore plus impatient :
— Je ne te parle pas de la sixième, je te parle de vitesses. Tu es en première, un point, c’
est
tout !
(Voyant que son fils n’ose plus rien ajouter, il continue.)
Alors, après la première, qu’
est-ce qu’
il y a ?
LE FILS, content de pouvoir répondre à la question :
— La terminale et le baccalauréat !
LE PÈRE, levant les bras au ciel :
— Mais non ! C’est la seconde, voyons ! Enfin, mon garçon, c’est pourtant simple ! Regarde.
(Il fait mine de passer les vitesses successives.)
Première, seconde, troisième, quatrième et là… (Il fait le geste de passer une vitesse difficile à
enclencher.) la marche arrière !
LE FILS :
— Mais Papa, à l’école on ne peut pas faire marche arrière. Même aux plus mauvais de la
classe, la maîtresse dit parfois qu’ils n’avancent pas vite, mais elle ne leur dit jamais qu’ils
reculent !
LE PÈRE, sur le ton de celui qui abandonne :
— Bon ! Décidément, on n’arrive à rien ! Je vais écrire un mot à ta maîtresse. Elle comprendra
bien qu’à ton âge, on est encore trop jeune pour apprendre à conduire. En attendant, je veux
que tu me promettes une chose.
LE FILS, soulagé d’en avoir fini :
— Oui, Papa, tout ce que tu veux…
LE PÈRE, avec un clin d’oeil complice vers le public :
— Sois sage à l’école, mon garçon.
Ordre des mots à mémoriser
- carnet 2. résultats 3. conduite 4. taxi 5. chaise 6. volant
- répète 8. première 9. vitesse 10. marche arrière 11. écrire un mot
